Je m’étendais doucement dans la nuit, l’âpreté des morsures du matin paraissait encore loin. Je naviguais entre les rêves, et les draps étaient chauds de ta présence. Dans l’océan du temps qui ne connait pas sa limite, je sens mon corps se glisser à nouveau.
Ma bouche sèche regarde le temps couler et les espaces de la conscience se diffusent à travers la fenêtre. Mon horizon est court dans cette temporalité-là.
Parfois, je pense. Je ne sais pas comment compter le jour alors qu’il se fige, puis disparaît.
Que vois-tu dans ces yeux qui t’évitent ?
J’ai peur de ce que je ne peux pas saisir, en pensée, à l’avance. J’ai le frisson du corps et la respiration accablée. Ma paume à l’intérieur, je soulève les parois de ma poitrine, comme pour y libérer de l’espace. De l’espace.
Du clavier, je t’entends que le son des touches, le viel ivoire qui résonne sur le bois dur. C’est comme on marcherait durement.
J’écoute le souffle malhabile de ce piano sans âge, sans distinguer vraiment la mélodie qu’il essaie de murmurer. Je l’accorde à l’orgue sans parole dont les tuyaux me traversent. En tendant l’oreille, il y a dans cette dissonance quelque chose qui me rassure. J’aurais envie de m’y réfugier tout entière.
La pluie frappe doucement à la fenêtre et tu n’es plus là. Les draps gris ne sont plus que des vagues et je m’y jette encore, l’oreille profondément serré contre moi. Je m’y accroche pour ne pas sombrer dans cette demi-nuit qui voudrait m’accrocher à ses cauchemars.
Je voudrais cesser de me débattre.
Dans les reflets sans tain des images qui persistent à la surface, les couleurs sont ternes. Il reste que le dépôt d’un agrégat de sensations vagues, un goût à la fois amer et écœurant, à l’arrière blanc de ma bouche. Je tends la main, comme pour y trouver l’ancre et la lumière du téléphone lentement me ramène à la surface. La lumière est trop forte mais je suis là. Les images défilent sans qu’on les regarde et le temps s’étire dans les espaces de la galerie, comme on écouterait le bruit des pages d’un livre que l’on tourne.
Le matin me tourne le dos, ou bien est-ce encore moi.
Dans les contours de l’absence, j’oublie de sentir mes pieds qui se déposent sur le parquet. Je suis projetée en dehors du lit, et c’est toujours une sensation qui m’emmène ailleurs. Je m’oublie, ne salue et je rentre d’un coup. Alors, c’est comme si le scénario me précède.
Changement de décor, mais l’odeur du thé, les notifications sur le téléphone, me rappellent à moi-même, ou surtout au dehors. Je me coiffe, m’habille, me maquille.
La cuillère sur le bord de la tasse blanche pourrait sonner les trois coups, s’il y en avait besoin.
Ce sont les claquements du clavier qui entament la mélodie.
La mélodie d’un nouveau jour.
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Camp NanoWrimo, jour 6
Photographie d’Oso Polar