Je me presse par le temps, étendue aux alentours, phrases éparpillées. La pièce enfin a retrouvé la lumière et sur ce parquet froid, je pourrais danser longtemps. Il est vrai que ce n’était pas comme prévu. Les enjoués de l’hiver, le rythme lent des soubresauts du printemps. C’est un voyage. Je n’entends plus les échos dramatiques des voix qui parlent en continu, j’ai éteins.
En deux mille vingt, il s’agissait d’habiter.
La familiarité surprise de l’horizon des montagnes, à l’autre bout du monde. Le corps immergé dans l’eau, à la lisière du brulant, je sens encore les flocons de neige et le vent joyeux. J’ai ces images imprimées dans le corps, assorties à ta présence. J’ai le défilé des paysages qui vient courir le long de ma peau, l’enthousiasme chevillé à l’être. Et j’y retourne souvent, pour retrouver le calme. Les dissonances du présent ne pèsent plus rien. Dans le silence inédit des rues du retour, ta silhouette me précède. Ton manteau, comme à ton habitude, posé sur tes épaules. On n’entend que le bruit des valises sur le pavé. Et nos regards se croisent, amusés. C’est comme si on occupait tout l’espace. Une bataille de boules de bruit, dans un interdit qui se décrète.
Dans le temps suspendu du monde, il a fallu inventer. Les couleurs étalées sur le lit, le mouvement maladroit de la main sur le carnet neuf. Et en acronyme, s’imaginer des espaces, comme on construit une maison.
Chez soi, dit-on.
L’été a repris vie et entre la plage, je téléphonais longtemps, à rassembler des nouvelles et les papiers de la banque. J’ai plongé ma main dans le pochon rouge, et tu as lancé le dé avec moi. Un jeu sérieux qui ne ressemblait à rien de connu, un pas qui se précipite mais nous emmène loin, tu vois ? A tartiner du blanc sur les murs encore irréguliers, on imagine des moments. Tout s’invente, se dit-on, même si j’ai toujours du mal à me figurer.
Un week-end, du haut de l’ancienne tour, qui se déforme peu à peu, on voit la montagne de cartons et les présences joyeuses. « L’intuition qui flamboie, l’aventure belle et pure ». Les livres ont tapissé le mur et on aura tout déballé. À chaque week-end, un nouveau profil naît dans un espace que l’on se donne. C’est comme si tout était dégagé, comme l’on regarde par les fenêtre, sur l’horizon retrouvé, des deux côtés de la rue.
« Il fut long le chemin, et les pièges nombreux, avant que l’on se trouve »
Les battements de mon angoisse se détachent, s’éloignent, mais se crispent. Et j’apprends à retrouver mon souffle. Je ne savais même pas que j’étais en apnée. C’est que l’on s’imagine toujours un symbole net, une rupture précise. Et les étincelles du sens, qui viendraient tout soutenir. Il y a le bonheur diffus du corps qui se réveille, et les impressions douces d’un monde qui ne s’abat plus sur soi.
Je ne veux manquer aucun jour avec moi.
C’est le rythme de l’espoir.
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Photo : Osaka, le 27 mars